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Boeddhistische Unie van België

Malentendus par rapport à la reconnaissance du bouddhisme

Carlo Luyckx

Président de l’Union Bouddhiste de Belgique


1. La représentativité de l’Union Bouddhiste de Belgique


Quels sont les critères pour une adhésion à l’UBB ?


L’admission de nouveaux membres de l’Union Bouddhiste de Belgique est de la compétence de l’assemblée générale qui statue sur les candidatures qui lui sont soumises par l’organe d’administration agissant soit d’initiative, soit sous la signature d’au moins trois associations membres.


Les statuts prévoient que seules peuvent devenir membres des associations sans but lucratif qui :


• ont comme but principal l’étude et la pratique de l’enseignement de Bouddha ;

• revendiquent leur appartenance au bouddhisme et jouissent d’une filiation authentique vis à vis d’une tradition historique du bouddhisme ;

• ne prétendent pas à la supériorité́ des enseignements ou des pratiques de leur tradition et reconnaissent l’authenticité́ des associations qui sont déjà̀ membres ;

• agissent dans un esprit de tolérance et de non-violence, en évitant tout prosélytisme comme toute démarche électorale, partisane ou commerciale ;

• jouissent depuis plus d’un an de la personnalité́ juridique.


En devenant membre chaque association est tenue de signer et respecter la Charte éthique et déontologique et la Charte sociétale de l’Union Bouddhiste de Belgique. Celle-ci stipule notamment que l’UBB adhère aux principes fondamentaux de la société occidentale : la séparation des Églises et de l’État, le respect du processus décisionnel démocratique, la tolérance, le pluralisme et l'égalité entre hommes et femmes. L’association s’engage également à rester indépendante de toute instance, de quelque nature qu’elle soit, politique ou autre, étrangère ou nationale.


Est-ce que l’UBB est réellement l’organe représentatif du bouddhisme en Belgique ?


En 2013, l’UBB comptait 20 associations membres, mais depuis lors 20 autres associations ont rejoint l’UBB, dont la plupart ont été fondées après 2013. Une association a encore le statut d’invitée en attendant son adhésion complète. Il s’agit de Jonang Kalachakra Centrum. Le nombre sera alors de 41 associations membres. Toutes les traditions bouddhistes y sont représentées.


Il en résulte que l'UBB est bien l’organe représentatif des associations bouddhistes en Belgique, car seulement sept associations bouddhistes belges ne font pas ou pas encore partie de l'Union Bouddhiste de Belgique.


Parmi celles-ci, Dhamma Pajjota (Vipassana asbl) du réseau international de S.N. Goenka n’a pas exprimé un intérêt à devenir membre de l'UBB mais sera la bienvenue si elle en fait la demande. Amida Sangha Vlaanderen et Dharma Winds Zen Hermitage ont demandé leur adhésion mais n’ont pas encore la personnalité juridique en tant qu’asbl. Ehipassiko a démissionné en 2022 avant son exclusion qui était proposée à l’ordre du jour de l’AG de l’UBB, à la suite du constat du non-respect persistant de la Charte éthique et déontologique. Orgyen Kunzang Choling (OKC) n’a pas la possibilité d’adhérer

pour cause de condamnation par la justice pénale. L’adhésion de Diamond Way a été refusée en 2011.


Elle a été exclue de l’Union Bouddhiste d’Allemagne du fait que son fondateur et leader danois tient un discours anti-Islam, ce qui est contraire aux statuts et aux Chartes de l’UBB. Comme mentionné plus haut, toutes les associations membres doivent en effet signer et respecter la Charte éthique ainsi que la Charte sociétale de manière que les personnes qui visitent les centres reconnus par l’UBB puissent le faire en toute sécurité.


Serait-il signe de sagesse de reconnaître le bouddhisme en Belgique ?

Certaines personnes mettent en garde le bouddhisme contre le risque de "verkostering", autrement dit que les intérêts matériels et financiers supplantent le contenu. Présentée ainsi, la reconnaissance d’une conviction semble se limiter à une assistance financière qui menace de faire disparaître le dynamisme dont le bouddhisme a fait preuve depuis plus d’un demi-siècle sans subvention publique aucune. C’est oublier que la reconnaissance permettrait au bouddhisme, qui est devenu un fait social avec plus de 150.000 pratiquants et 600.000 sympathisants en Belgique, d’être mis sur le même pied que les autres convictions. Dans une société où les crises de toutes sortes se succèdent et où burnouts, santé mentale et assuétudes diverses sont entrés dans le vocabulaire quotidien, le bouddhisme a des réponses efficaces à fournir sans que cela implique une

conversion ou une soumission à une autorité quelconque.


Un exemple important est la possibilité pour des conseillers bouddhistes de l’accès au système carcéral, sachant que le taux de récidive à la sortie de prison est énorme, là où le temps à passer en détention pourrait justement être mis à profit pour se remettre en question, de prendre conscience de la souffrance causée par ses actes en utilisant les instruments dont dispose le bouddhisme pour maîtriser son esprit, plutôt que d’apprendre comment gagner l’argent facile à la sortie de prison.


Actuellement l’UBB effectue déjà ce travail auprès de certains prisonniers, mais cela dépend de la bonne volonté des directions des prisons qui ne sont pas obligées d’ouvrir leurs portes aux conseillers bouddhistes du fait qu’il n’y a pas de reconnaissance. De plus, ce service est fait actuellement par des bénévoles qui n’ont pas toujours la possibilité de se libérer du fait de leurs activités professionnelles.


La reconnaissance du bouddhisme et l’existence d’un organe représentatif reconnu et subventionné permettra également d’assurer la sécurité des citoyens en garantissant que les associations qui fournissent une assistance morale selon une conception bouddhiste sont authentiques et qu’il n’y a pas de risque de tomber sous l’influence de maîtres autoproclamés qui sont plus intéressés dans le portefeuille des pratiquants que dans leur bien-être.


L'UBB a été créée initialement en vue d'introduire une demande de reconnaissance du bouddhisme. L'existence de l’UBB a favorisée l'intensification du dialogue intra-bouddhiste. Ce dialogue a permis de créer une communauté bouddhiste belge, caractérisée par l'amitié et le respect mutuel. Avant la création de l'UBB, il y avait uniquement un certain nombre de communautés par tradition individuelle sans réelle

interaction entre elles.


Un grand nombre d'initiatives sont à la base de cette entente. Par exemple, l'Introduction au bouddhisme, une formation organisée en collaboration avec les universités UCL et UGent, a enrichi largement le dialogue intra-bouddhiste en apportant un aspect scientifique et neutre qui, par sa nature, ne peut pas être enseigné d'une telle façon par les traditions individuelles. Les Journées d'inspiration de l'UBB sont un deuxième exemple de dialogue intra-bouddhiste. Elles abordent des questions sociétales actuelles qui ne se posaient pas à l'époque du Bouddha. Il est plus efficace d'inviter des personnes spécialisées dans ces matières au sein d'une association coupole qu'une invitation par association individuelle.


Reconnaître le bouddhisme serait donc en effet un signe de sagesse.


2. Le bouddhisme : religion ou philosophie ?


Avant d’introduire en 2006 auprès de la ministre de la Justice de l’époque la demande formelle de reconnaissance du bouddhisme, l’assemblée générale de l’UBB s’est réunie pendant un week-end au vert pour décider quel statut lui correspondait le mieux, sachant que le paragraphe 1er de l’article 181 était conçu pour les cultes et que le paragraphe 2nd mentionne les philosophies non confessionnelles.


Étant donné que la ministre avait répondu à notre suggestion d’ajouter un 3ème paragraphe qui correspondrait au statut particulier du bouddhisme que ce n’était aucunement envisageable, il fallait obligatoirement choisir entre les deux possibilités existantes. Après avoir écouté d’éminents spécialistes parmi lesquels les professeurs Jean-François Husson et Rik Pixten, président du Humanistische Vrijzinnige Vereniging, et après une discussion approfondie, l’assemblée générale a décidé à l’unanimité d’opter pour une reconnaissance comme philosophie non-confessionnelle.


Les arguments historiques et doctrinaux pour le choix de la philosophie non-confessionnelle


Ce choix est motivé par plusieurs considérations. Le bouddhisme ne connait pas de texte sacré ou révélé comme la Bible, le Coran ou la Torah. Après avoir atteint l’état de Bouddha, Siddhârta Gautama Sâkyamuni a enseigné pendant 45 ans et ses paroles ont été reprises dans un ensemble de 108 volumes, qui ont été complétés par un ensemble de 240 volumes contenant les commentaires des érudits indiens au fil des siècles et compilés notamment dans les grandes universités bouddhiques de Nalanda et Vikramasila, avant d’être traduits dans de nombreuses langues partout en Asie. L’absence de tout dogme et l’appel au principe du libre examen ont été formulés par le Bouddha historique dans

plusieurs textes, dont le principal est le Kamala Sutra, dont voici un extrait :


“Examinez avant d'accepter ou de rejeter.”

“Nous ne devrions pas croire à une chose uniquement parce qu'elle a été dite, ni croire aux traditions parce qu'elles ont été transmises depuis l'Antiquité; ni aux "on dit" en tant que tels, ni aux écrits des sages parce que ce sont des sages qui les ont écrits; ni aux imaginations que nous supposons nous avoir été inspirées par un être spirituel; ni aux déductions tirées de quelque hypothèse hasardeuse que nous aurions pu faire; ni à ce qui paraît être une nécessité analogique; ni croire sur la simple autorité de nos maîtres ou instructeurs.


Mais nous pouvons accorder crédit à un écrit, à une doctrine ou à une affirmation lorsque notre raison et notre expérience intime les confirment. C'est pourquoi je vous ai enseigné à ne pas croire simplement d'après ce qui vous a été dit, mais conformément à votre expérience personnelle.”


Cette affirmation par le Bouddha lui-même démontre que, contrairement aux religions abrahamiques, le bouddhisme, dès ses origines, ne connait pas de dogmes et que les adhérents de cette philosophie sont encouragés à comprendre au lieu de croire. Les bouddhistes ne se considèrent pas comme des croyants.


Parmi les principes qui caractérisent cette philosophie et auxquels le pratiquant est invité à réfléchir, figurent l’impermanence de tous les phénomènes et surtout de notre existence, l’interdépendance, la nature insatisfaisante de la vie, la relativité du temps et de l’espace, etc. D’autres éléments propres au bouddhisme ne sont à première vue pas toujours évidents à concilier avec les systèmes de pensée de la culture judéo-chrétienne, tels que le karma, principe de cause à effet et ce qui en découle qui est appelé communément réincarnation, terme qui prête à confusion et qui n’a pas du tout la même signification que dans l’hindouisme, puisque le bouddhisme nie l’existence d’une âme, comme précisé

précédemment. Personne n’est invitée à croire dans ces principes comme si c’étaient des dogmes mais bien d’en nourrir sa réflexion. Il y a nombre de bouddhistes, surtout en occident, qui n’y adhèrent pas mais qui se considèrent bouddhistes pratiquants. L’on pourrait les considérer comme les agnostiques présents au sein de la laïcité organisée.


L’enseignement du Bouddha, que l’on désigne par le terme de Dharma, a été préservé depuis le 6ième siècle avant notre ère jusqu’à nos jours grâce aux universités et collèges monastiques et à travers des lignées de transmission de maître à disciple. Les temples et lieux d’études et de pratique de la méditation se sont développés d’abord en Inde et ensuite partout en Asie, au Népal, au Sikkim, au Bhutan, en Afghanistan, en Iran, au Tibet, en Mongolie, en Sibérie, en Chine, au Japon, en Corée, au Vietnam, en Indonésie, au Cambodge, au Laos, en Thaïlande, au Sri Lanka… Partout où les érudits

bouddhistes sont arrivés, toujours sur invitation parce que le bouddhisme interdit tout prosélytisme, le Dharma a incorporé des valeurs locales si elles n’étaient pas en contradiction avec le Dharma, ainsi que des éléments culturels. C’est ainsi que ce sont surtout les aspects culturels du bouddhisme, parfois très riches et coloriés, parfois très sobres ou “zen“, selon les pays, qui ont incité les colonisateurs occidentaux au 18ème et 19ème siècles à qualifier cet art de vivre qu’est le bouddhisme comme la cinquième religion mondiale, avec comme seul cadre de référence les religions judéo-chrétiennes pour conclure des apparences extérieures qu’il s’agissait d’une religion, sans s’interroger sur la philosophie dont les principes font l’objet d’un symbolisme très riche, mais nullement représentant l’idée d’un ou de plusieurs dieux ou êtres suprêmes. C’est ainsi que l’image du Bouddha sert à rappeler le pratiquant de sa propre nature essentielle de l’esprit et à s’efforcer à cultiver la sagesse.


La Sangha, ou la communauté des pratiquants du Dharma, dont une partie est représentée par des moines et moniales qui se sont engagés à respecter certains préceptes à vie ou pendant une durée déterminée, et une autre partie, majoritaire, par des pratiquants n’ayant pas pris ces préceptes, cette Sangha est responsable de la préservation et la transmission des enseignements du Bouddha historique et des développements intervenus au cours des siècles jusqu’à aujourd’hui, puisque cet

enseignement n’est pas figé et tient compte de l’évolution de la société. Ceux qui prétendent que le bouddhisme est une religion et non une philosophie soutiennent que ces préceptes et règles de vie auraient un statut sacral et que leur respect est imposé à tout pratiquant. Cette affirmation est erronée car chacun est libre de s’imposer ou non l’un au plusieurs de ces préceptes pour une durée librement décidée, et dont le but est de faciliter le développement d’une éthique et d’une harmonie dans sa vie personnelle. Ils n’ont pas de caractère sacral, ce sont des simples principes pour éviter de causer la

souffrance pour soi-même et pour autrui, tels que ne pas prendre la vie, ne pas s’approprier ce qui n’a pas été donné, etc. Il n’y a pas de commandements dans le bouddhisme, chacun est juge de sa propre conscience et de son comportement éthique et la notion de péché est inexistante.


En ce qui concerne l’argument parfois invoqué que les statuts des associations membres de l’UBB traitent d’enseignements, de traditions et de pratiques, de lignées de transmission authentiques et de personnes détenteurs font témoigner “de l’existence d’une forme de leadership religieux”, il convient de préciser qu’il s’agit d’une dimension spirituelle et non religieuse, le terme “spirituel” faisant référence à la discipline de l’entrainement de l’esprit à maîtriser ses pensées, ses passions et ses émotions et n’ayant rien en commun avec le principe de rendre service ou d’adorer un être suprême,

comme c’est le cas dans les religions abrahamiques. L’exigence d’authenticité est un élément essentiel pour permettre à l’organe représentatif qu’est l’UBB de distinguer les associations sérieuses des mouvements sectaires ou d’organisations servant les intérêts de prétendus “maîtres” souvent autoproclamés.


Pour ce qui est de l’affirmation avancée par certains pour qui “le statut ultime obtenu par Bouddha en accédant au nirvana, la nomination magique du leader religieux, etc., qui sont autant de dogmes“, il convient de préciser que le nirvana ne correspond nullement à la notion chrétienne de paradis auquel on aurait accès après la mort si on a fait du bien dans sa vie et rendu service à Dieu, ce qui est sans doute une interprétation simpliste de la foi chrétienne. Le nirvana signifie la cessation de l’insatisfaction et de l’ignorance par la réalisation de la sagesse, que l’on peut atteindre ici sur terre, pour le résumer de manière simpliste également. Pour ce qui concerne la question de l’autorité spirituelle, le Dalai Lama

n’est pas le pape du bouddhisme et il n’y a aucune autorité semblable au système en vigueur dans l’église catholique. Dans le bouddhisme, chaque tradition, chaque école monastique, chaque courant est totalement indépendant, n’est redevable à aucune autorité pyramidale et choisit son propre leader spirituel sur base d’élection ou de reconnaissance par consensus basée sur le niveau de sagesse et d’érudition atteint par les candidats en lice, pour une durée variable selon les traditions.


Les arguments étymologiques pour le choix de la philosophie non-confessionnelle


Dans les articles 19, 20, 21 et 181 §1 de la Constitution, il n’est pas question de “religions” mais de “cultes” (en néerlandais “erediensten”). Seul l’article 24 mentionne “le choix entre l'enseignement d'une des religions reconnues et celui de la morale non confessionnelle”, mais là cela devient en néerlandais “godsdiensten” (services à Dieu). Du point de vue étymologique, selon l’interprétation majoritaire, le mot “religion” trouverait son origine dans le verbe latin “religare”, signifiant "relier".


L’Encyclopédie Universalis atteste à ce sujet :


Si la religion « relie », que relie-t-elle ? Trois grandes réponses sont envisageables :


• elle relie l’homme aux dieux ou à Dieu, elle met en relation le monde terrestre des hommes et le monde céleste des divinités ;

• elle relie les hommes entre eux ;

• ou, enfin, elle relie l’homme à la nature, à l’Univers, développant en lui un sentiment

d’appartenance à une dimension qui l’englobe et le dépasse.”


Le bouddhisme ne reconnaissant pas d’être suprême, de Dieu créateur ou d’Architecte de l’univers, il ne correspond nullement à la première interprétation. Par contre, si l’on interprète “religion” selon les deux autres réponses à l’exclusion de la première, on pourrait effectivement qualifier le bouddhisme de religion sans dieu, ou religion athée. Malgré la réticence de certains, la laïcité organisée pourrait se reconnaître dans la deuxième réponse, puisqu’elle relie les êtres humains entre eux, elle organise des mariages laïques et cérémonies d’union, des funérailles laïques, des parrainages laïques, de l’assistance morale dans les hôpitaux et maisons de repos, dans les prisons, etc.


Pour ce qui concerne le terme “culte” ou “eredienst”, qui implique forcément un dieu, une divinité, un être suprême, il n’est aucunement applicable au bouddhisme. En ce qui concerne l’allégation que le bouddhisme croît dans l’immortalité de l’âme, je mets quiconque au défi de trouver une seule citation dans les textes bouddhistes qui affirme l’existence même d’une âme. Au contraire, le Bouddha enseigna l’Anatman, c’est-à-dire la non-existence d’un soi, d’une âme, par opposition à la doctrine hindoue d’Atman.


Contrairement aux religions abrahamiques, le bouddhisme n’est pas seulement une philosophie athée, il ne connaît pas non plus de dogme. Le Bouddha historique qui vécut il y a 2.600 ans n’est en aucune sorte considéré par les adhérents de sa philosophie comme un dieu, un être divin, un prophète ou messager envoyé par un être suprême, mais comme un être humain qui a réalisé la vraie nature de son esprit, l’état de Bouddha, terme qui se traduit par l’éveillé, dans le sens de s’être réveillé de l’ignorance, de la confusion, d’être libéré des émotions perturbatrices comme la haine, la jalousie, l’orgueil et la convoitise et d’avoir atteint la sagesse. Il est donc considéré comme un sage et ainsi comme un exemple

à suivre, chaque être possédant la nature de bouddha et étant ainsi un bouddha potentiel.


C’est ainsi que quand on s’incline devant une représentation du Bouddha historique et qu’on allume une bougie ou de l’encens, il ne s’agit pas d’une adoration mais d’une méthode visant à se rappeler de sa propre nature profonde et de son engagement à réaliser l’état de Bouddha dans un esprit altruiste, c’est-à-dire pour être en mesure de soulager la souffrance de tous les êtres et de les aider à atteindre la sagesse.


Comme il est de notoriété publique, étymologiquement, le mot “philosophie“ dérive du grec ancien où “philô” signifie “aimer” et “sophia” signifie “sagesse”, ce qui donne comme traduction “amour de la sagesse”. Selon le Larousse, “confession” signifie “relatif à la foi religieuse”. La sagesse représentant l’objectif principal de tout pratiquant du bouddhisme et la négation de l’existence d’un être suprême étant commune à toutes les écoles du bouddhisme, la qualification de “philosophie nonconfessionnelle” reprise par l’article 181 §2 de la Constitution convient parfaitement à l’UBB. Par contre, la qualification de “culte” est incompatible avec le caractère athée du bouddhisme, comme cela a été confirmé à plusieurs reprises à l’unanimité par les 40 associations membres de l’UBB.


Les arguments juridiques pour le choix de la philosophie non-confessionnelle


Comme il est énoncé dans l’exposé des motifs de l’avant-projet de loi Le choix de la reconnaissance entre un culte et une organisation philosophique non confessionnelle est une question interne à ce culte ou cette organisation philosophique non confessionnelle.


Le Conseil d’État, dans son avis du 15 juillet 1998 sur l’avant-projet de loi relatif aux délégués et aux administrations chargées de la gestion des intérêts matériels et financiers

des communautés philosophiques non confessionnelles reconnues, interprète l’article 181, § 2, de la Constitution dans les termes suivants :


« (…) les termes mêmes de cette disposition constitutionnelle indiquent que toute organisation dont les délégués offrent une assistance morale non confessionnelle peut solliciter la reconnaissance de l’État. Ceci est, par ailleurs, confirmé par les travaux du Constituant lorsqu’il a analysé les termes « communautés non confessionnelles ». « Le terme de « non confessionnel » doit s’envisager dans un large contexte social : la notion renvoie à une communauté philosophique – au sens large du terme – qui n’appartient à aucun des cultes existants, parce qu’elle rejette toute relation à la divinité. (…) La communauté non confessionnelle est une communauté philosophique dont l’existence est établie et qui présente une grande diversité et un mouvement continu (Doc. Parl., Sénat, session 1992-1993, n° 100—3/2°, p. 3).


Ces derniers mots en particulier confirment que, par le texte de l’article 181, § 2, le pouvoir constituant a manifesté la volonté que le pouvoir législatif puisse reconnaître plusieurs organisations offrant une assistance morale selon une conception non confessionnelle (Doc. Parl., Chambre des représentants, session 1998-1999, p. 46-47).».


Vu que l’Union Bouddhiste de Belgique a tenu à se faire reconnaître en tant qu’organisation

philosophique non confessionnelle, l’État est tenu de considérer ce choix, en respect de l’article 21 de la Constitution et du principe d’indépendance des cultes et des organisations philosophiques non confessionnelles vis-à-vis de l’État.”


Dans son avis du 12 juin 2023 sur l’avant-projet de loi portant reconnaissance du bouddhisme, le Conseil d’État rappelle et précise sa position :


« Une seule conception philosophique non confessionnelle, à savoir la laïcité organisée, est, en l’état du droit positif belge, reconnue sur la base de l’article 181, § 2, et ce, par la loi du 21 juin 2002 (...).


Il convient de relever que les termes de l’article 181, § 2, de la Constitution admettent néanmoins la reconnaissance d’autres organisations philosophiques non confessionnelles.

En effet, selon les travaux du Constituant, « le terme ‘non confessionnel’ doit s’envisager dans un large contexte social : la notion renvoie à une communauté philosophique – au sens large du terme – qui n’appartient à aucun des cultes existants, parce qu’elle rejette toute relation à la divinité ».


En outre, il y est noté qu’on « […] ne peut accepter l’approche simpliste selon laquelle, d’une part, il existe des cultes fondés sur une croyance religieuse et, d’autre part, tous les autres citoyens qui ne se réclament pas d’un culte reconnu appartiennent pour ainsi dire automatiquement à la communauté non confessionnelle qui serait incarnée par la laïcité organisée ».


En conclusion, comme la section de législation l’a déjà observé sur la base du texte de l’article 181, § 2, le pouvoir constituant a manifesté la volonté que le pouvoir législatif peut reconnaître plusieurs organisations offrant une assistance morale selon une conception non confessionnelle.


Il s’en déduit que l’autorité fédérale est bien compétente pour reconnaître le bouddhisme au titre d’organisation offrant une assistance morale selon une conception philosophique non confessionnelle.


Par ailleurs, aucun élément, qui contredirait les considérations émises sur ce point dans l’exposé des motifs sous le sous-titre « Reconnaissance du bouddhisme en tant qu’organisation philosophique non confessionnelle », n’est porté à la connaissance de la section de législation quant au fait que le bouddhisme, dont la reconnaissance est envisagée par l’avant-projet de loi à l’examen selon les modalités prévues par celui-ci, devrait être plutôt reconnu comme étant un « culte » au sens de l’article 181, § 1er, de la Constitution et non comme étant une organisation philosophique offrant une assistance

morale selon une conception philosophique non confessionnelle au sens du paragraphe 2 de cette disposition. »


3. Le bouddhisme est-il violent ?


Toute philosophie, idéologie, religion ou système de pensée, bien intentionnée et parfaitement altruiste, est susceptible d’être et a été, depuis toujours et partout dans le monde, détourné ou utilisé par les humains pour l’appropriation de richesses, de pouvoir, de faveurs, pour des conquêtes, etc. Le bouddhisme n’y a pas échappé, bien que du fait qu’il n’y a pas de Dieu au nom duquel certains peuvent prétendre agir, ces détournements ont été plutôt rares dans l’histoire. Un exemple récent est celui du Myanmar, où les dirigeants militaires, les mêmes qui le 1er février 2021 renversèrent le gouvernement

civil d’Aung Sang Suu Kyi après sa victoire électorale écrasante, avaient réussi même avant 2017 à manipuler une minorité de moines bouddhistes pour soutenir leur répression des Rohingyas. Il est à remarquer que ces moines extrémistes, en incitant à la haine et à la violence, jetèrent non seulement l’opprobre sur toute la communauté bouddhiste, mais brisèrent aussi leurs vœux monastiques et ne pouvaient donc plus revendiquer le statut de moine.


Le 11 septembre 2017, le Dalaï Lama lui-même répliqua aux journalistes qui lui demandèrent sa position sur la situation au Myanmar : « Ces personnes qui harcèlent certains musulmans devraient se souvenir de Bouddha. Il aiderait certainement ces pauvres musulmans. C’est ce que je ressens encore. C’est très triste. »


L’Assemblée générale de l’UBB a adopté à l’unanimité le 1er octobre 2017 la déclaration suivante sur la situation des Rohingya au Myanmar :


« La situation au Myanmar par rapport au manque de respect des droits humains et de l’utilisation de la violence entrainant la perte de vies nous inquiète au plus haut point. Les témoignages qui sont portés à notre connaissance rapportent que dans les villes et villages de l’État birman d’Arakan, les habitants ont massivement souffert de meurtres, de répression, de famine et de maladies qui en découlent, de viols et d’exil forcé, leurs habitations étant systématiquement incendiées après leur départ.


L’Union Bouddhiste Belge, tout comme l’Union Bouddhiste Européenne, réaffirme les principes fondamentaux du bouddhisme, à l’instar de ce qui a été affirmé à de nombreuses reprises par les principaux leaders des différentes traditions bouddhistes, dont le Dalaï Lama et Thich Nhat Hanh, et notamment dans leur déclaration commune adressée aux bouddhistes birmans déjà en décembre 2012 :


« Nous souhaitons réaffirmer au monde et vous inciter à mettre en pratique les principes bouddhiques les plus fondamentaux de non-violence, de respect mutuel et de compassion. Ces principes fondamentaux enseignés par le Bouddha sont au cœur de la pratique bouddhiste :


• L’enseignement bouddhiste est basé sur les préceptes de s’abstenir de tuer ou de nuire à autrui.

• L’enseignement bouddhiste est basé sur la compassion et la bienveillance.

• L’enseignement bouddhiste prône le respect envers toutes et tous, sans aucune discrimination de classe, de caste, d’origine ou de conviction. »


Comme bouddhistes belges et européens, nous prenons fait et cause pour ces valeurs et nous réaffirmons notre solidarité avec toutes les victimes de violence, d’injustice et de persécution.


Nous exprimons notre aspiration pour le rétablissement de la paix, de la non-violence et du respect des droits humains, ainsi que pour l’instauration de conditions de vie garantissant la coexistence pacifique et l’égalité pour tous les groupes ethniques au Myanmar. »


4. L’Arrêt de la Cour Européenne des Droits de l’Homme du 5 avril 2022


Par son arrêt du 5 avril 2022, la Cour Européenne des Droits de l’homme a donné raison aux Témoins de Jéhovah qui se plaignaient de ne pas bénéficier de l’exonération fiscale sur le précompte immobilier, cette exonération étant subordonnée à une reconnaissance préalable comme culte. La Cour a constaté que le régime belge actuel de reconnaissance aboutissait à des discriminations, et qu’ainsi la différence de traitement dont les Témoins de Jéhovah faisaient l’objet manquait de justification objective et raisonnable.


À la suite de cette condamnation, l’État belge est donc tenu de revoir son régime de reconnaissance des cultes. D’aucuns ont posé la question : la Belgique devrait-elle courir le risque de s’engager vers la reconnaissance du bouddhisme à partir d’une procédure contestée, avant même la mise en conformité de celle-ci avec la jurisprudence de la Cour ? Le respect de l’État de droit, en ce compris le respect des décisions juridictionnelles internationales, ne devrait-il pas primer sur l’engagement politique pris auprès de l’Union Bouddhiste de Belgique ?


Le ministre de la Justice a pris la décision de poursuivre la procédure en cours. Dans son avis du 12 juin 2023 sur l’avant-projet de loi portant reconnaissance du bouddhisme, le Conseil d’État, après une analyse de l’Arrêt de la CEDH du 5 avril 2022, donne raison au ministre de la Justice en énonçant :


« À la différence de l’ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale critiquée par l’arrêt de la Cour européenne, l’avant-projet de loi soumis à l’examen de la section de législation n’est pas un dispositif prévoit lui-même une distinction de traitement entre cultes ou organisations reconnus, d’une part, et cultes ou organisations non reconnus, d’autre part. Il se borne à reconnaître une organisation philosophique non confessionnelle supplémentaire et, en cela, il ne constitue pas une mesure qui violerait en soi les libertés fondamentales consacrées par la Convention européenne des droits de l’homme ».


Carlo Luyckx

Président de l’Union Bouddhiste de Belgique



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