Un reportage de Charlotte Legrand
Michel Depraey nous a donné rendez-vous juste à côté de la prison de Mons, dans une maison d’apparence très classique. Elle abrite en réalité un centre bouddhiste. "Ça, c’est le Zendo : un lieu de méditation. Ceci, la pièce de Bouddha, où on fait des cérémonies…"
Une quinzaine de personnes se croisent dans ces locaux, plusieurs fois par semaine. Michel les guide dans la pratique du zen, une pratique qu’il a découverte à la quarantaine. "Un ami m’a dit 'tu devrais faire du zen !'. Lui participait à des stages en montagne, alliant randonnée et méditation. Ce fut pour moi une découverte extraordinaire !"
A l’âge de 55 ans, Michel quitte donc l’enseignement. "Une opportunité s’offrait à moi ! Même si cela représentait un sacrifice financier conséquent, même si j’aimais beaucoup mon métier de professeur d’allemand en hautes écoles… J’ai foncé. J’avais l’impression d’avoir fait le tour, un peu comme ces gens qui ont tout pour être heureux, mais à qui il manque quelque chose".
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Toujours animé par cette même soif d’apprendre, le Montois se lance dans l’étude des textes, la pratique de la méditation. Il devient prêtre bouddhiste. "En fait… Je n’ai jamais eu la sensation d’être réellement pensionné. J’ai même eu le sentiment de plus travailler qu’avant… J’ai été happé par les instances de l’Union Bouddhique Belge. D’abord membre du conseil d’administration, puis vice-président, enfin… président ! Je rendais service. Mais j’étais à l’opposé de ce que je voulais faire profondément. C’était du travail essentiellement administratif. Une fois mon mandat terminé, j’ai quitté".
Depuis son "changement de vie", Michel Mokusho Depreay a exploré pas mal de nouveaux horizons, et fait de nombreuses rencontres. "Sur cet autel, par exemple, vous voyez les photos de mes maîtres du bouddhisme. Trois Japonais, et une Américaine". Il revient de plusieurs longs séjours à l’étranger. "Six mois au Japon, six mois aux USA, pour suivre un cursus qui me donnera une reconnaissance internationale en tant qu’enseignant du zen. Un enseignant peut donner cette reconnaissance à quelqu’un d’autre". Et ce que souhaite Michel, par-dessus tout, c’est transmettre. "J’ai créé ce centre, mais… J’ai 68 ans, et je me dis que ce serait dommage que ça s’éteigne en même temps que moi".
Il a beau pratiquer la méditation depuis plus de 20 ans, certains soirs…"L’envie n’y est pas. Je sais ce que c’est, et comme tout le monde, je me dis parfois pffffff ce soir il y a méditation. Et j’y vais. Et j’en sors heureux de l’avoir fait. Mais des personnes ne parviennent pas à rester dans le silence complet. Les gens sont souvent pressés. Habitués à prendre une pilule, quand ça ne va pas. Et changer de médecin si la pilule ne convient pas".
Prochain objectif ? Aménager l’étage du centre Shikantaza, pour y accueillir "des gens qui acceptent de respecter le rythme de vie d’un monastère". Mais comme le Montois n’est pas très bricoleur, le chantier avance lentement. "Voyez, ça, ce n’est pas terminé, et ici, il faudrait cloisonner, installer une salle de bains… Personnellement, je peux aider un peu mais… J’arrive au bout de mes limites ! Vous ne connaîtriez pas un bon bricoleur, par hasard ?", glisse-t-il en riant.
En quittant le centre, nous prenons conscience du bruit qui émane de la prison, juste à côté. N’est-ce pas difficile à concilier avec la pratique de la méditation ? "C’est vrai qu’on entend parfois beaucoup de bruit, des cris, etc. Ce n’est pas toujours facile de se concentrer, dans la pratique de la méditation. Mais c’est très intéressant, cette prison en vis-à-vis. Car si, dans un premier temps, on vient ici 'pour soi', l’objectif est d’apprendre à être moins préoccupé de soi. S’accepter soi-même pour aller vers les autres. La proximité d’une prison aide à réfléchir à tout ça".
L'association Shikantaza organisera le 19 octobre prochain une journée de conférence sur les thèmes "Bouddisme et éducation" avec le Dr Danielle Rodot (pédiatre) et "Le mur de la prison d'en face" (avec Michel Dubois aumônier bouddhiste de la prison de Fresnes). Contact: Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser..